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5 décembre 2016 1 05 /12 /décembre /2016 01:55
« Ne sous-estimons pas la gravité des perturbateurs endocriniens sur la fertilité »

François Olivennes, gynécologue obstétricien, estime que « le drame potentiel le plus grave des perturbateurs endocriniens concerne les femmes ».

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On ne peut que se féliciter de la tribune parue dans Le Monde daté du 30 novembre concernant les dangers des perturbateurs endocriniens, et des articles pointant du doigt le retard de Bruxelles à sévir et à réguler l’utilisation de ces produits, qui pourraient être considérés comme de véritables poisons pour la santé.

Il me semble cependant qu’il manque le mot « infertilité » dans cette tribune listant les risques que semblent entraîner ces molécules.

Concernant la fertilité masculine, des éléments scientifiques pointent du doigt la probable contribution des perturbateurs endocriniens dans la baisse de la qualité spermatique, comme le signale la tribune. Ces molécules jouent probablement un rôle dans une baisse de la fertilité, même si cette corrélation n’est pas encore parfaitement démontrée et fait l’objet d’interprétations contradictoires.

La fertilité masculine est évaluée par l’analyse du spermogramme qui peut être, de plus, répété à volonté pour surveiller les effets potentiels. On peut aussi surveiller son évolution devant la suppression de l’exposition au produit chimique, comme on a pu le voir avec certains ouvriers agricoles ayant des pathologies spermatiques reliées à des pesticides, qui ont vu les valeurs de leur spermogramme s’améliorer après l’arrêt de l’exposition aux molécules incriminées.

Lire aussi :   Perturbateurs endocriniens : la fabrique d’un mensonge

Principe de précaution

Mais le drame potentiel bien plus grave concerne les femmes. D’abord la reproduction de la femme est fondamentalement différente de celle de l’homme. L’homme fabrique toute sa vie des millions de spermatozoïdes. La femme naît avec un stock d’ovocytes (ou ovules) qui va décroître avec le temps de manière physiologique. La dégradation de ces ovocytes peut être accélérée par des produits chimiques, comme les chimiothérapies par exemple, qui peuvent sauver une femme de certains cancers mais parfois au prix d’une stérilité définitive par destruction ovocytaire. L’impact potentiel des perturbateurs endocriniens pourrait entraîner des effets irréversibles s’ils contribuaient à une destruction des ovocytes, ou même a une diminution du stock folliculaire d’un fœtus féminin que porterait une femme enceinte exposée.

Le problème est que l’évaluation de la fertilité de la femme est bien plus difficile que celle de l’homme. Pour affirmer l’impact éventuel des perturbateurs endocriniens sur la fertilité féminine de manière indiscutable, il faudrait mettre en évidence que les femmes exposées font moins d’enfants, ou ont plus de difficulté a les concevoir. Or la période de fertilité d’une femme s’étend sur une vingtaine d’années, et la plupart des femmes font en général deux enfants. Il est donc bien difficile de mesurer a court terme une baisse de la fertilité.

Cependant, la majorité des médecins impliqués dans le traitement de l’infertilité ont le sentiment de voir de plus en plus de femmes jeunes ayant une fonction ovarienne altérée. Le lien avec les perturbateurs endocriniens n’est pas établi. Mais tout comme dans la fertilité masculine, ils pourraient au minimum jouer un rôle, même s’il peut exister plusieurs facteurs contributifs.

Si les enjeux du rôle des perturbateurs endocriniens sur la survenue de cancers sont considérables, ne sous-estimons pas la gravité que représente l’impact de ces molécules sur la fertilité. Il est plus que temps que le principe de précaution s’applique a ces poisons dont les effets sont malheureusement difficiles à évaluer.

Le Professeur François Olivennes est gynécologue obstétricien, spécialiste des traitements de l’infertilité


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/04/fertilite-et-perturbateurs-endocriniens-attention-danger_5043017_3232.html#FdKRGP2mtuH1zw0x.99

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 08:13
 
Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science

Près de cent scientifiques dénoncent la fabrication du doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique.

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Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement.

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Les « marchands de doute » sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. A elle seule, l’industrie pétrochimique est la source de milliers de produits toxiques et contribue à l’augmentation massive des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique, à l’origine du changement climatique.

La lutte pour la protection du climat est entrée dans une nouvelle ère avec l’accord de Paris de 2015, malgré la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés pour travailler dans l’intérêt général.

Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système...
 

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Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html#VeALTRdZWPOU19rL.99
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18 octobre 2016 2 18 /10 /octobre /2016 07:30

Le Monde  

Perturbateurs endocriniens : un poids énorme sur l’économie américaine

340 milliards de dollars par an : c’est le coût des dégâts sanitaires provoqués par l’exposition de la population aux substances chimiques déréglant le système hormonal.

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Environ 340 milliards de dollars (308 milliards d’euros) par an : le chiffre est si faramineux qu’il soulève nécessairement le scepticisme. Pourtant, à en croire l’analyse conduite par des chercheurs américains et publiée mardi 18 octobre dans la revue The Lancet Diabetes and Endocrinology, il ne s’agit pas d’une exagération mais plutôt d’une sous-estimation du coût économique annuel, aux Etats-Unis, des dégâts sanitaires (obésité, diabète, troubles de la fertilité, troubles neuro-comportementaux, etc.) attribuables aux perturbateurs endocriniens (PE).

Les PE sont une catégorie de mo­lécules (bisphénols, dioxines, phtalates, etc.) interférant avec le système hormonal et présentes dans de nom­breux pesticides, solvants et plastiques, dans certains cosmétiques ou conditionnements alimentaires. Certains peuvent produire des effets délétères à de faibles niveaux d’exposition.

Ceux-ci sont variables. Une analyse semblable, conduite sur la population européenne (Le Monde du 5 mars 2015), avait conclu à un coût environ deux fois moindre : environ 157 milliards d’euros.

« Ces estimations sont basées sur des éléments de preuve qui s’accumulent rapidement grâce à des études conduites en laboratoire ou sur les humains, et qui montrent l’association entre l’exposition à ces substances et une variété d’effets délétères », explique Leonardo Trasande, professeur associé à l’université de New York et co-auteur de ces travaux.

Ces différences importantes entre les Etats-Unis et l’Europe sont principalement dues à des différences de réglementation, qui conduisent à des niveaux d’exposition des populations sensiblement différents pour certaines substances.

Lire aussi :   Perturbateurs endocriniens : le projet de réglementation de Bruxelles critiqué par les scientifiques

Présents jusque dans la chaîne alimentaire

Pour mener leur étude, les chercheurs ont utilisé des données d’exposition de la population américaine aux PE en question. Ils ont ensuite croisé ces données avec les résultats d’études conduites en laboratoire et d’enquêtes épidémiologiques montrant leurs effets sur les humains.

Des études de qualité n’étant pas disponibles sur toutes les substances suspectes, « [nous n’avons] pris en compte qu’environ 5 % des PE présents sur le marché », précise M. Trasande. De même, les chercheurs n’ont considéré que les maladies et les troubles pour lesquels existent des preuves solides d’un lien avec une exposition à ces produits.

Selon l’analyse, les substances les plus coûteuses en termes sanitaires sont les « PBDE »  (polybromodiphényl-ethers), une classe d’ignifugeants (ou « retardateurs de flamme ») massivement utilisés outre Atlantique depuis plus de trente ans dans les meubles rembourrés et l’électronique.

Aujourd’hui étroitement régulés ou interdits, ils sont très persistants dans l’environnement et se retrouvent dans les poussières domestiques et jusque dans la chaîne alimentaire. Ils causeraient des dégâts, à hauteur de 240 milliards de dollars annuels environ, aux Etats-Unis.

Ils sont suivis par les plastifiants – bisphénol A (BPA) et phtalates –, présents dans certains récipients alimentaires, dont le coût sanitaire annuel serait de 56 milliards de dollars, puis par les pesticides (organophosphorés notamment), pour quelque 42 milliards par an.

Lire aussi :   Perturbateurs endocriniens : l’histoire secrète d’un scandale

Erosion du QI

Quels sont les maladies et les troubles en jeu ? Obésité et diabète (5 milliards de dollars annuels attribuables aux PE), troubles de l’appareil reproducteur et infertilité (45 milliards de dollars) ou, surtout, les effets neurologiques et neuro-comportementaux qui se taillent la part du lion, avec un coût de plus de 280 milliards de dollars par an. Une grande part de ce fardeau étant dû à l’érosion des capacités intellectuelles, calculées en points de quotient intellectuel (QI), des enfants exposés in utero à des PE ayant des effets nocifs sur le neuro-développement.

Comment évaluer le poids économique de cette perte d’intelligence collective ? « La littérature scientifique documentant avec rigueur la perte de productivité économique provoquée par la perte de QI est substantielle, répond M. Trasande. Nous savons qu’à chaque point de QI perdu correspond une perte moyenne de 2 % de productivité économique sur l’ensemble d’une vie. A l’échelle d’une population, c’est très important. »

Il est tentant de rapporter le coût de 340 milliards de dollars mis en évidence en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) américain – soit 2,3 % en l’occurrence. Cela peut être trompeur. « Attention : ce genre d’externalités négatives ne se traduit pas automatiquement par une baisse de même ampleur du PIB, prévient l’économiste Alain Grandjean. Evaluer les effets réels de ces coûts cachés sur le PIB relève d’un autre exercice, très compliqué. »

En substance, si certains des coûts mis au jour peuvent conduire à une baisse du PIB, d’autres peuvent se traduire, de manière paradoxale, par une hausse de l’activité. Derrière un « coût » peuvent en effet se cacher des phénomènes disparates, comme une baisse de productivité économique, le développement de médicaments ou les frais de prise en charge médicale, etc. « Ce genre d’interrogation a au moins un avantage collatéral, conclut M. Grandjean. Cela montre clairement que le PIB n’est pas un indicateur de bien-être. »

Lire aussi :   Les perturbateurs endocriniens altèrent (aussi) l’émail dentaire

 


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/18/le-poids-enorme-des-perturbateurs-endocriniens-sur-l-economie-americaine_5015389_3244.html#ih9tsvd22DdgI2vz.99

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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 19:07

Dans le Monde

Le Parlement européen veut interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires

LE MONDE | 06.10.2016 à 18h21 | Par Stéphane Foucart

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image: http://s2.lemde.fr/image/2016/10/06/534x0/5009480_6_84fb_dans-une-usine-de-fabrication-d-emballages_a96c1dde4a555ef01ed27c450b74983a.jpg

La Commission européenne est à nouveau épinglée pour son laxisme en matière de risques sanitaires. Réuni jeudi 6 octobre en séance plénière, le Parlement européen a adopté, à une large majorité (559 pour, 31 contre, 26 abstentions), une résolution non contraignante appelant Bruxelles à « harmoniser les exigences de sûreté pour les matériaux au contact des denrées alimentaires ».

Présents dans les emballages alimentaires, le matériel de cuisine, la vaisselle, les résines intérieures des conserves, etc., certains de ces produits sont retrouvés à l’état de traces dans la chaîne alimentaire et certains, à l’instar du bisphénol A (BPA), sont suspectés de présenter des risques sanitaires.

Lire aussi : Bisphénol A : la France à l’avant-garde

Un amendement au texte, déposé par des parlementaires de l’ensemble des groupes politiques – à l’exception d’Europe des nations et des libertés (extrême droite) –, demande en particulier l’interdiction du bisphénol A dans les matériaux au contact de l’alimentation.

« Nous devons faire en sorte que les matériaux qui sont en contact avec les produits alimentaires soient sûrs, a déclaré dans un communiqué la rapporteure danoise du texte, Christel Schaldemose (Alliance progressiste des socialistes et démocrates). La législation actuelle prévoit d’encadrer dix-sept substances, mais seulement quatre d’entre elles font pour l’instant l’objet d’une harmonisation au niveau européen. Les autres sont laissées à l’appréciation des Etats membres. »

Différents niveaux de protection

Selon les députés, la fréquence d’utilisation de ces matériaux et les risques qu’ils sont susceptibles de présenter pour la santé devraient conduire l’exécutif européen à établir « des mesures spécifiques » pour « le papier et le carton, les vernis et les revêtements, les métaux et les alliages, les encres d’impression et les adhésifs ».

Le manque d’harmonisation, a poursuivi Mme Schaldemose, « pose problème aux consommateurs, aux entreprises et aux autorités ». « Cela signifie que notre marché unique n’est pas unique : certains pays ont des niveaux de protection élevés, d’autres non, a-t-elle ajouté. Nous savons, grâce à différentes études, que certaines substances présentes dans les emballages sont dangereuses pour la santé. L’Union européennedevrait donc revoir la législation actuelle. La sécurité alimentaire doit signifier la même chose dans toute l’Union. »

La résolution adoptée n’a aucune valeur contraignante. Mais il sera difficile pour l’exécutif européen de l’ignorer. D’autant qu’elle intervient dans un contexte où plusieurs Etats membres – en particulier la Suède, laFrance, le Danemark –, mais aussi la médiatrice européenne, reprochent à la Commission son laxisme en matière de gestion des risques sanitaires.

Saisie par plusieurs Etats membres, le Conseil européen et le Parlement de Strasbourg, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné en décembre la Commission pour avoir « manqué à ses obligations », dans la mise en place d’une réglementation des perturbateurs endocriniens (bisphénols, phtalates, etc.) – une catégorie de substances qui altèrent le fonctionnement du système hormonal et sont suspectés defavoriser une variété de maladies chroniques et de troubles en augmentation (cancers hormono-dépendants, troubles métaboliques ou neuro-comportementaux, etc.).

Lire aussi : Bisphénol A, phtalates, pesticides : la Commission européenne condamnée pour son inaction

Opposition de la France renforcée

Le cas du BPA est à cet égard emblématique. Interdit en France dans les contenants alimentaires depuis le 1er janvier 2015, il est toujours autorisé dans le reste de l’Union – à l’exception des contenants alimentaires destinés aux jeunes enfants. Le vote du parlement de Strasbourg renforce ainsi la position de la France, jusqu’à présent isolée sur ce dossier. Celle-ci a banni le BPA des contenants alimentaires sur la foi d’unrapport rendu en 2011 par son agence de sécurité sanitaire – l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) – dont les conclusions s’opposaient à celles de son homologue européenne – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Si le vote des eurodéputés renforce le système d’évaluation des risques sanitaires français, en pointe sur ces sujets, il isole aussi un peu plus l’EFSA. « Les différentes réévaluations conduites par l’EFSA au cours de la dernière décennie n’ont pas traité de manière effective toutes les préoccupations sanitaires liées au BPA », précise ainsi l’amendement adopté.

L’agence européenne a toutefois rendu un avis en avril, préconisant une révision à la baisse d’un facteur 10 environ, des doses journalières tolérables de BPA (c’est-à-dire la quantité de produit qu’il est possible d’ingérer chaque jour sans risque).

La saga du BPA n’est cependant pas encore achevée, tant s’en faut. D’une part, les fabricants de plastique sont en effet vent debout contre la France et assurent que le BPA ne présente pas de risques. De l’autre, de nouvelles données toxicologiques devraient être disponibles en 2017. Elles pourraient clore (ou relancer) la polémique.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/06/le-parlement-europeen-veut-interdire-le-bisphenol-a-dans-les-contenants-alimentaires_5009481_3244.html#ZzvqjuSVZGJbDgDx.99

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12 juillet 2016 2 12 /07 /juillet /2016 07:35

Les perturbateurs endocriniens altèrent (aussi) l’émail dentaire

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 11.07.2016 à 15h35 • Mis à jour le 12.07.2016 à 06h45 | Par Pascale Santi

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image: http://s2.lemde.fr/image/2016/07/11/534x0/4967805_7_8124_photographie-de-plombages-dentaires-exposee_f1cea4245d9fe1bbcb5df86361cb891a.jpg

Présents dans de nombreux objets de consommation (plastiques, cosmétiques…), les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec le système hormonal (endocrinien) des êtres vivants et agir à des doses d’exposition très faibles.

Ils sont soupçonnés d’augmenter de nombreuses maladies (certains cancers, diabète, obésité, troubles de l’attention, autisme) et d’agir sur la fertilité. Le fait qu’ils altèrent l’émail des dents est beaucoup moins connu.

Lire aussi : Le mercure pointé du doigt

Le constat de la profession dentaire est unanime : les pathologies de l’émail sont de plus en plus fréquentes. « Les perturbateurs ­endocriniens créent des pathologies dentaires, et des matériaux utilisés peuvent contenir des substances toxiques, comme le bisphénol A (BPA) dans les composites ou le mercure dans les amalgames », explique la docteure Nathalie Ferrand, membre de Réseau ­environnement santé (RES) et présidente de la commission écoresponsabilité du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD).

Cette lanceuse d’alerte est à l’initiative d’un colloque, « Vers une dentisterie sans perturbateurs endocriniens », organisé par RES au Sénat jeudi 23 juin.

Maladie émergente

Quasiment inexistante dans les années 1980, la MIH (hypominéralisation des molaires et des incisives), pathologie de l’émail décrite pour la première fois en 2001, peut être considérée comme une maladie émergente qui concerne 15 % à 18 % des enfants de 6 à 9 ans (âge moyen au moment du diagnostic).

La MIH se révèle par des taches opaques, blanchâtres à brunâtres, qui touchent sélectivement les premières molaires permanentes et, souvent, les incisives permanentes, les premières à minéraliser, décrit Sylvie Babajko, du ­Centre de recherche des Corde­liers (Inserm, universités Paris-V, ­Paris-VI et Paris-VII).

Ses causes sont encore peu ­connues mais « des faisceaux ­d’arguments laissent penser que les perturbateurs endocriniens y ­contribuent certainement, dont le BPA, les PCB et la dioxine », explique Sylvie Babajko. La dernière partie de la vie in utero et la première année de vie sont des périodes de sensibilité maximale. « Les taux urinaires de BPA semblent plus élevés chez les enfants ayant de nombreuses dents restaurées », ajoute cette chercheuse.

« Un vrai problème de santé publique »

Le lien entre un défaut de minéralisation de l’émail et une exposition à faibles doses au BPA lors d’une période du développement a été montré pour la première fois en 2013 et publié dans la revue American Journal of Pathology en juin de la même ­année.

Deux groupes de seize rats mâles ont été étudiés par ­Katia Jedeon, du Centre de recherche des Cordeliers. Ces animaux ont été exposés par voie orale, dès la conception, à une dose quotidienne de cinq microgrammes par jour et par kilo de poids (5 g/j/kg) de BPA, soit la dose journalière autorisée.

Au bout de trente jours, les trois quarts des rats exposés présentent des ­taches opaques sur les incisives, analogues au fameux MIH remarqué ces dernières années chez les enfants. Aucun rat du groupe ­témoin n’a développé l’anomalie (Le Monde du 12 juin 2013).

Sensibles, parfois douloureuses et susceptibles aux caries, ces dents nécessitent un suivi particulier. « Il faut souvent dévitaliser voire couronner la dent, ou l’extraire, ce qui implique un traitement orthodontique. Conséquence : un reste à charge important », alerte Nathalie Ferrand. « Le MIH est un vrai problème de santé publique, avertit Katia Jedeon. Les dents touchées par le MIH peuvent être soignées en utilisant des matériaux qui peuvent relarguer des monomères contenant du BPA, c’est un cercle vicieux. »

Résines, amalgames

Au-delà des pathologies dentaires, les matériaux utilisés dans les résines et composites peuvent contenir du BPA, ou les amalgames du mercure. Le dentifrice peut aussi contenir des biocides, dont le banal triclosan. Le bisphénol S, proposé en remplacement du BPA dans certains composites, doit aussi être regardé de près.

Nombre de professionnels ne sont guère informés sur ce que contiennent les matériaux mis en bouche. D’autant plus que rien n’impose aujourd’hui aux fabricants de détailler cette composition. Ces derniers restent d’ailleurs timorés. « Il faut raison garder et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, dit Arnaud Pemzec, trésorier du Comité de coordination des activités dentaires. On n’a pas aujourd’hui de matériaux de substitution. Des grandes sociétés y travaillent depuis quatre ans. »

« Sommes-nous assez informés sur la toxicité des matériaux ? », questionne la docteure Patricia Hueber-Tardot, présidente du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes. « Il y a une prise de conscience de la filière dentaire, qui souhaite s’engager à réduire l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens, se félicite la docteure Nathalie Ferrand. C’est une première. »

Des actions concrètes ont été ­engagées à l’issue du colloque. ­Katia Jedeon a intégré la commission de la vigilance et des thérapeutiques du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. L’idée d’un registre du MIH a été émise par la professeure Ariane Berdal, vice-doyenne de la faculté de chirurgie dentaire (Paris-VII). Pour Sylvie Babajko, « on a une signature ­caractéristique d’exposition qui nous aide à cerner la dent comme un marqueur d’exposition ».


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/07/11/les-perturbateurs-endocriniens-alterent-l-email-dentaire_4967806_1650684.html#ql26eZhUcHOOMXOK.99

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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 04:02

Les ondes peuvent avoir un impact sur le cerveau des enfants

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Les experts ont recensé des effets négatifs du téléphone portable et des objets connectés sur le bien-être des enfants : fatigue, troubles du sommeil, stress, anxiété.

Les ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les tablettes tactiles ou les jouets connectés peuvent avoir des effets sur les fonctions cognitives – mémoire, attention, coordination – des enfants, indique ce vendredi un rapport de l'Agence sanitaire (Anses).

Les experts ont également recensé des effets négatifs sur le bien-être (fatigue, troubles du sommeil, stress, anxiété), qu'ils attribuent non pas aux ondes elles mêmes, mais à une utilisation intensive du téléphone portable.

Certaines études semblent aussi associer «un usage intensif du téléphone portable par des jeunes et une santé mentale affectée», qui se traduit par des comportements à risque, de la dépression ou des idées suicidaires, relève l'Anses, en souhaitant que des travaux complémentaires soient faits pour vérifier la relation de cause à effet.

Sur la base de ces constats, l'Anses réitère sa recommandation de 2013 de s'en tenir à «un usage modéré» des téléphones portables et d'utiliser le plus souvent possible le kit mains-libres. «Le téléphone mobile reste la source majeure d'exposition aux radiofréquences, c'est la plus intense», souligne Olivier Merckel. Cela est dû à la puissance intrinsèque des ondes émises par les téléphones et au fait qu'ils soient placés directement contre le corps (à l'oreille ou dans une poche).

Des zones du cerveau plus sensibles

Ces conseils de modération, valables pour les adultes, ciblent particulièrement les enfants qui sont plus sensibles aux ondes que leurs aînés pour des raisons physiologiques. «Nous sommes aujourd'hui certains que les enfants sont plus exposés que les adultes du fait de leurs différences morphologiques et anatomiques», explique Olivier Merckel. «Ce ne sont pas de petits adultes», insiste-t-il. Au niveau du cerveau en particulier, certaines zones encore en transformation sont plus sensibles aux ondes.

Or, les très jeunes enfants – moins de six ans – sont aujourd'hui exposés très tôt – même in utero – à de plus en plus d'ondes en raison du développement tous azimuts des technologies sans fil (tablettes, jouets connectés, wifi...). D'où les recommandations de l'Anses d'appliquer à tous les dispositifs émetteurs d'ondes «les mêmes obligations réglementaires» que pour les téléphones. Principalement la mesure du débit d'absorption spécifique (DAS), qui correspond à la quantité d'énergie absorbée par le corps, et la publicité de cette information. «Nous avons des interrogations sur les tablettes, notamment celles qui fonctionnent non pas en wifi mais en 3G ou 4G», confie l'expert de l'Anses.

«Retarder l'âge de la première utilisation»

L'agence sanitaire voudrait aussi que les conditions de ces mesures soient révisées pour être plus proches des conditions d'utilisation et que le niveau d'exposition générale aux ondes soit «reconsidéré» pour assurer des marges de sécurité plus importantes, en particulier pour les enfants.

Les experts ont en revanche écarté une interdiction des téléphones portables aux moins de six ans, votée en 2010 mais dont le décret n'est jamais paru. «Il n'y pas de données sanitaires pour justifier une telle mesure», affirme Olivier Merckel. Si l'utilisation à un si jeune âge des téléphones portables est «heureusement rare», il préconise de «retarder l'âge de la première utilisation».

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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 18:51

Le cerveau assiégé par les perturbateurs endocriniens

LE MONDE | 20.06.2016 à 06h49 • Mis à jour le 20.06.2016 à 15h21 | Par Stéphane Foucart

image: http://s2.lemde.fr/image/2016/06/20/534x0/4953796_6_5c97_un-cerveau-humain-en-3d-haute-resolution_bbc18f31a328a20395326f50f831e7eb.jpg

En 2015, Edward Dutton (université d’Oulu, Finlande) et Richard Lynn (université d’Ulster, Royaume-Uni) publiaient, dans la revue Intelligence, une étude, passée inaperçue, mais dont les journaux auraient, peut-être, pu faire quelques manchettes. L’affaire est en effet d’une importance cardinale : les deux chercheurs documentaient, pour la première fois, une chute du quotient intellectuel (QI) moyen en France. Selon leurs estimations, ce dernier aurait perdu près de quatre points entre 1999 et 2009. A l’échelle d’une population, c’est énorme.

Ce genre de travaux essuie généralement un haussement d’épaules ou un revers de main. D’autant plus qu’en l’occurrence les auteurs ont fondé leurs calculs sur un petit échantillon de quatre-vingts personnes. Mais, à bien y regarder, l’étude des deux chercheurs britanniques mérite au contraire toute notre attention.

Lire aussi : La pollution met en danger le cerveau

Plusieurs raisons à cela. La première est que, s’il est reproduit et confirmé par d’autres études, ce résultat signale la première inversion, en France, de la tendance séculaire qui voit augmenter régulièrement l’indice d’intelligence individuelle – c’est-à-dire, pour éviter de parler d’« intelligence », de l’amélioration des compétences cérébrales, au sens quasi mécanique du terme. La deuxième raison de prendre au sérieux les résultats de MM. Dutton et Lynn est que cette inversion de la tendance à l’augmentation du QI est également constatée en Norvège, au Danemark, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Australie, en Suède…

Fonctions cognitives en régression

Dans de nombreux pays où les données peuvent s’étudier avec un recul historique suffisant, une légère érosion des facultés cognitives est mesurée, environ depuis le milieu des années 1990. Il y a toujours, bien évidemment, des biais possibles, des erreurs, des effets d’échantillonnage… Mais, même en Finlande, où la conscription donne lieu à des tests de QI standardisés, pratiqués sur toute une génération ou presque (25 000 jeunes par an sont testés depuis 1988), une étude des deux mêmes auteurs, publiée en 2013, montre une chute de deux points de QI entre 1997 et 2009, mesurée avec une grande précision. Les trois fonctions cognitives testées (représentation des formes, arithmétique, raisonnement verbal) sont toutes en régression.

Que viennent faire ces informations dans cette chronique ? Descartes nous a appris à nous placer si haut en surplomb du monde naturel, que nous avons bien du mal à imaginer que notre cerveau, siège du cogito, puisse être également modelé par notre environnement. Nous acceptons volontiers que notre foie puisse être intoxiqué, que notre prostate, nos glandes mammaires, notre pancréas puissent s’abîmer au contact des polluants de l’environnement. Mais que l’organe de notre intelligence soit affecté de la même façon, et que ces dégâts puissent altérer notre esprit, notre humeur, notre propension à la joie ou à l’insouciance, nous est intolérable. Le cerveau, pense-t-on, c’est de l’éducation greffée sur de la génétique. Un point c’est tout.

Vidéo : Comment le cerveau fonctionne-t-il ?

Lien entre perturbateurs endocriniens et troubles neuro-comportementaux

C’est pourtant faux. On peut, pour s’en convaincre, lire un livre savant, paru fin mai en France, et dont il avait été question dans ces colonnes lors de sa publication par Oxford University Press (Le Monde du 3 décembre 2014). Dans Le Cerveau endommagé (Odile Jacob, 416 p., 39,90 euros), la biologiste Barbara Demeneix (CNRS/Muséum national d’histoire naturelle) montre comment la perturbation du système hormonal par une multitude de substances présentes dans notre environnement domestique (solvants, plastiques, etc.) ou dans la chaîne alimentaire (pesticides, additifs, etc.), peut altérer la construction de certaines structures cérébrales, notamment au cours de la période intra-utérine.

Lire aussi : La pollution met en danger le cerveau

La chercheuse, dont les travaux sur le système thyroïdien sont mondialement reconnus, travaille depuis plus de dix ans sur la question. Elle a ratissé toute la connaissance, de l’épidémiologie à l’épigénétique en passant par l’endocrinologie et la biologie du développement ; elle conclut à un lien fort entre l’exposition généralisée de la population aux perturbateurs endocriniens — ces substances capables d’interférer avec le système hormonal — et l’augmentation d’une variété de troubles neuro-comportementaux (trouble de l’attention, hyperactivité, autisme, etc.).

Faillite réglementaire

Depuis longtemps, elle s’attend à ce que ses idées soient confortées par un début de baisse, dans la population générale, des capacités cognitives. Désormais, nous y sommes, même si d’autres causes que les contaminants chimiques ne sont pas à exclure…

S’il faut évoquer, aujourd’hui, les travaux de Barbara Demeneix, ce n’est pas seulement à l’occasion de la parution française de son livre. C’est aussi, et surtout, que la semaine passée a marqué le dernier épisode en date, et l’acmé d’une interminable faillite réglementaire.

Lire aussi : Perturbateurs endocriniens : l’histoire secrète d’un scandale

Mercredi 15 juin, avec, au compteur, deux ans et demi de retard et une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne, Bruxelles a proposé des critères d’identification des perturbateurs endocriniens — critères qui permettront de les retirer du marché. Hélas, la proposition de Bruxelles exige des niveaux de preuve presque impossibles à atteindre pour déclarer une substance « perturbateur endocrinien ». Les sociétés savantes, les ONG et certains Etats-membres sont vent debout.

Bruxelles n’a pas compris qu’il ne s’agit plus de prendre des mesures de précaution, mais des mesures d’urgence. Nous ne le voyons plus seulement par les hausses d’incidence des maladies hormonales « classiques » (cancers hormono-dépendants, diabète, infertilité, etc.) : nos cerveaux et ceux des générations futures, condition sine qua non de notre intelligence collective, sont en première ligne.

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image: http://s2.lemde.fr/image/2014/04/18/24x24/1100512061_4_69da_13978337662458-photo_c9ba65d8f20a753dc99c4985b470bd9d.jpg

Stéphane Foucart
Journaliste au Monde


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/06/20/le-cerveau-assiege_4953797_1652666.html#8SOPMDeGEsZFDpgU.99

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17 juin 2016 5 17 /06 /juin /2016 08:02

Perturbateurs endocriniens : tollé contre Bruxelles

LE MONDE | 16.06.2016 à 14h34 • Mis à jour le 16.06.2016 à 17h52 |Par Stéphane Horel

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Personne, il y a encore un mois, n’aurait imaginé que la Commission européenne choisirait pareille option. L’annonce, mercredi 15 juin, de sa proposition finale de réglementation des perturbateurs endocriniens a surpris tout le monde. Mais elle a surtout laissé abasourdis la plupart des acteurs impliqués dans cette saga politico-technique. Abasourdis voire accablés. Car en offrant un traitement d’exception à cette famille de polluants chimiques, la Commission exige un niveau de preuves d’effets nocifs très difficile à atteindre. Impossible, estiment même certains. Les promesses de restrictions et d’interdictions, prévues dans le règlement régissant la mise sur le marché des pesticides en Europe, ne seront peut-être tenues qu’au compte-gouttes.

Depuis plus de vingt-cinq ans, les éléments s’accumulent sur ces produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal (endocrinien) des êtres vivants, suscitant une sourde inquiétude dans la communauté scientifique. Constituants d’une multitude d’objets de consommation – plastiques, cosmétiques, peintures, etc. – et contaminant l’environnement, ils sont soupçonnés de contribuer à l’augmentation de nombreuses maladies : infertilité, certains cancers, développement du cerveau, etc. Tandis que l’on détecte 43 produits chimiques en moyenne dans le corps d’une femme enceinte, plusieurs études ont tenté de chiffrer le coût, pour la société, des maladies liées à une exposition aux perturbateurs endocriniens. Les estimations oscillent entre 157 et 288 milliards d’euros par an en Europe.

Lire aussi : Les agriculteurs vont-ils pouvoir se passer du glyphosate, le « désherbant total » ?

Ces données n’ont, semble-t-il, pas pesé assez lourd dans l’étude d’impact « socio-économique » que la Commission a menée pendant plus d’un an pour appuyer sa décision. Pour que les perturbateurs endocriniens soient réglementés, elle propose en effet de leur appliquer une sorte d’adaptation de la définition énoncée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2002. Ce choix implique non seulement que les effets nocifs d’une substance soient démontrés et qu’ils soient causés par une action à travers le système hormonal, mais aussi qu’ils soient « pertinents » en termes de santé humaine. Or certains signaux d’alerte proviennent du monde animal, et tous ne sont pas forcément « pertinents » dans le sens où l’entend la Commission. L’imposex, par exemple, est un trouble qui procure des pénis aux femelles bulots. Et si aucune affection équivalente n’a, à ce jour, été constatée chez les humaines, l’alerte n’en a pas moins été lancée sur les perturbateurs endocriniens de la branche des organoétains qui se sont ensuite avérés en être la cause.

« La Commission européenne a placé la barre si haut qu’il sera ardu de l’atteindre, quand bien même il existe les preuves scientifiques de dommages », a estimé dans un communiqué l’Endocrine Society. Très active sur le dossier, la société savante des endocrinologues, qui compte 18 000 membres dans 120 pays, parle d’un « échec pour la santé publique ». Suivant le raisonnement de la Commission, il faudrait en fait attendre la certitude et observer les preuves des effets sur l’homme ou l’environnement. A titre de comparaison, à peine plus d’une centaine de substances atteignent le « statut » de cancérogène certain pour l’homme selon la classification de l’OMS, parmi lesquelles l’amiante, le tabac ou l’arsenic.

Une pochette de mauvaises surprises

Pour les ONG aussi, cette annonce ressemble à une pochette de mauvaises surprises. « Le niveau de preuve est si élevé qu’il nous faudra attendre des années de dégâts sur la santé avant de pouvoir retirer du marché » un perturbateur endocrinien, analyse Lisette van Vliet, de l’association HEAL, qui représente plus de 70 ONG santé-environnement en Europe. « La présentation des critères réalisée aujourd’hui s’éloigne de manière honteuse des connaissances scientifiques actuelles », renchérit Michèle Rivasi. La députée européenne du groupe des Verts/Alliance a également critiqué une disposition qui élargit le champ des dérogations aux interdictions éventuelles. Ces exceptions vont « totalement à l’encontre de la législation européenne qui défend l’idée de l’évaluation des substances selon le danger intrinsèque qu’elles représentent et non pas le risque supposé qu’elles pourraient causer ».

C’est précisément sur ce point que tique Andreas Kortenkamp, professeur de toxicologie à l’université de Brunel, à Londres (Royaume-Uni). Spécialiste mondialement reconnu du sujet, il estime que la Commission a tricoté dans les détails techniques de sa proposition un véritable retour vers ce que l’on appelle l’« évaluation des risques ». Derrière ce jargon réglementaire se cache le principal enjeu du choix de la Commission. « L’évaluation des risques » permet de mesurer la nocivité des substances alors qu’elles sont déjà sur le marché, en fonction de calculs prenant en compte l’exposition. Or le règlement Pesticide, adopté en 2009, exige une tout autre approche, en amont, dite « fondée sur le danger ». D’après le chercheur, la Commission tournerait le dos à cette obligation de précaution pourtant inscrite dans la loi.

Le texte de loi Pesticide avait été le point de départ du processus réglementaire de définition des perturbateurs endocriniens. La Commission devait d’abord élaborer des critères scientifiques pour les identifier. Selon le texte, aucun pesticide identifié comme tel au filtre de cette définition ne pourrait rester sur le marché européen ou y accéder. Au grand mécontentement des industriels de la filière, mais aussi d’autres secteurs. Dans un souci de cohérence, ces critères s’appliqueront à l’ensemble de la réglementation européenne. Cosmétiques, médicaments, plastiques… des pans entiers de l’industrie devront tôt ou tard s’y conformer.

L’industrie se dit « déçue »

L’industrie se dit, elle, « déçue ». Mais avec une lecture radicalement opposée. Pour Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’ECPA, l’organisation européenne de lobbying de l’industrie des pesticides, la proposition de la Commission « pourrait déboucher sur l’interdiction de produits de protection des plantes qui possèdent les mêmes propriétés de perturbation endocrinienne que des produits quotidiens comme le café ».

Si elle n’a pas choisi l’option souhaitée par l’industrie (qui imposait une notion arbitraire de puissance des effets des perturbateurs endocriniens), la Commission n’a pas non plus opté pour celle qui avait la faveur de la communauté scientifique, de plusieurs Etats membres dont la France et des ONG. Elaborée par la direction générale de l’environnement de la Commission, cette option prévoyait de classer les perturbateurs endocriniens dans un système de catégories calqué sur celui des cancérogènes. Elle avait été soudainement remisée après que l’industrie, à l’issue d’une offensive de lobbying, avait obtenu, en juillet 2013, le report de la décision.

C’est dans un contexte politique très tendu avec le Parlement et avec deux ans et demi de retard, pile, que tombe cette annonce initialement prévue en 2013. En décembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne avait condamné la Commission pour avoir « violé le droit l’Union » en ne respectant pas la date limite fixée par la loi. Le 8 juin, les députés européens adoptaient à une très large majorité une résolution la condamnant aussi pour son inaction. Il y a fort à parier qu’ils devraient accueillir froidement sa proposition quand elle reviendra devant eux, après approbation des Etats membres, d’ici quelques mois.

  • Stéphane Horel
    Journaliste au Monde
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23 mai 2016 1 23 /05 /mai /2016 19:56

Le Monde

Perturbateurs endocriniens : l’histoire secrète d’un scandale

LE MONDE | 20.05.2016 à 06h45 • Mis à jour le 20.05.2016 à 09h16

Par Stéphane Horel

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C’est l’un des secrets les mieux gardés d’Europe. Il est enfermé quelque part dans le dédale des couloirs de la Commission européenne, dans une pièce à accès surveillé, où seule une quarantaine de fonctionnaires accrédités ont le droit d’entrer. Avec du papier, un stylo. Les smartphones sont confisqués. Un dispositif de sécurité plus strict encore que pour l’accord de libre-échange transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis (ou Tafta) : pour connaître les documents le concernant, les eurodéputés, eux, peuvent pénétrer dans la salle de lecture sans que l’on s’enquière du contenu de leurs poches.

Ce secret, c’est un rapport d’environ 250 pages. Dans le jargon de la Commission, une « étude d’impact ». Celle-là évalue les conséquences « socio-économiques » d’une réglementation visant une famille de polluants chimiques. Capables d’interférer avec les hormones des espèces animales, humains compris, les perturbateurs endocriniens sont soupçonnés d’être à l’origine de nombreuses maladies graves (cancers hormonaux-dépendants, infertilité, obésité, diabète, troubles neuro-comportementaux…). Ces substances se trouvent dans une multitude d’objets de consommation courante, dans les cosmétiques, les pesticides ou les plastiques (à l’instar du bisphénol A). Des secteurs entiers de l’industrie seront concernés à moyen terme par leur réglementation. Des milliards d’euros sont en jeu.

DÉFINIR LES CRITÈRES

La perspective d’éventuelles restrictions, parfois même d’interdictions, suscite de vives inquiétudes chez les industriels. Le secteur des pesticides, en particulier, n’a jamais caché son hostilité à certaines dispositions du règlement européen sur les « produits phytopharmaceutiques », qui est à l’origine d’un processus de décision aux rebondissements dignes d’une série télévisée. Adopté au Parlement en 2009, ce texte réserve en effet un traitement spécial aux pesticides : ceux reconnus comme perturbateurs endocriniens ne seront plus autorisés sur le marché. Encore faut-il pouvoir les reconnaître.

La Commission devait donc trouver le moyen de distinguer les perturbateurs endocriniens des autres produits chimiques. Très concrètement, son travail consistait à énoncer des critères qui permettraient de les identifier. Sans critères, pas d’application de la loi. Autorités sanitaires nationales, industriels et ONG sont ainsi suspendus à une décision imminente sur ces critères d’identification – outil réglementaire qui permettra ensuite d’en restreindre l’usage ou, plus radicalement, d’en interdire certains. Or, sept ans plus tard, les critères n’existent toujours pas.

C’est cette étude d’impact, aux conclusions apparemment aussi confidentielles que l’adresse de la fontaine de Jouvence, qui en est en grande partie responsable. Elle n’était pas prévue au départ, mais l’industrie l’a réclamée afin d’affaiblir la réglementation, puis l’a obtenue à l’issue d’une offensive éclair de lobbying menée en tandem par les industriels des pesticides et de la chimie au début de l’été 2013. Principalement au travers de leurs organisations de lobbying bruxelloises : l’Association européenne de protection des plantes (ECPA) et le Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic).

UN DOSSIER HYPERSENSIBLE

Mais les géants de l’agrochimie étaient aussi montés au front : les deux poids lourds allemands BASF et Bayer, ainsi que la multinationale suisse Syngenta. L’ancienne secrétaire générale de la Commission, Catherine Day, avait fini par céder à leur requête au nom des « opinions divergentes » dans la communauté scientifique et des « impacts potentiels sur des pans de l’industrie chimique et le commerce international » – une référence directe au Tafta, dont les négociations venaient alors tout juste de commencer. Dans une note interne datée du 2 juillet 2013, la plus haute fonctionnaire européenne qualifiait alors les critères des perturbateurs endocriniens de « sujet sensible ». Sensible, il est resté. Et même hypersensible, il est devenu.

Car le Parlement européen avait donné une date butoir à la Commission pour rédiger ces fameux critères : décembre 2013. Ne voyant rien venir, la Suède avait alors décidé de poursuivre la Commission en justice. Une procédure soutenue par la France, le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas et à laquelle s’étaient joints le Parlement et le Conseil – une configuration rare.

La Cour de justice de l’Union européenne n’a, elle, pas tardé. Juste avant Noël 2015, elle a jugé que la Commission avait « violé le droit de l’Union », elle qui est pourtant la gardienne des traités. L’arrêt balaye la « prétendue nécessité de procéder à une analyse d’impact des critères scientifiques » que la Commission a placée au cœur de sa défense. Mais le jour même, le porte-parole du commissaire européen à la santé, le Lituanien Vytenis Andriukaitis, annonce tout de go que l’étude d’impact sera malgré tout menée jusqu’au bout. D’hypersensible, le dossier devient inflammable.

QUID DU COÛT DES MALADIES ?

Les députés européens sont furieux. Certains d’entre eux ont déjà envoyé plusieurs lettres au président de la Commission. Elles sont restées sans effet. Le 13 janvier, c’est le président du Parlement en personne qui écrit à Jean-Claude Juncker. Le retard de la Commission est « inacceptable », souligne Martin Schulz. Tout autant que la poursuite de l’étude d’impact « au mépris du jugement » de la plus haute juridiction de l’Union et auquel il lui demande de « se conformer sans délai ». Le message est répété dans un second courrier, le 10 mars. La Suède, pour sa part, persiste. Dans un document daté du 13 mai et que Le Monde s’est procuré, les autorités suédoises rappellent sèchement aux services de la Commission que la Cour « interdit l’utilisation de considérations économiques pour définir les critères ».

Mais de quelle nature sont les « considérations économiques »consignées dans les pages de l’étude d’impact enfermée à double tour ? En sus des conséquences sur l’industrie, prendront-elles en compte le coût des maladies liées à l’exposition aux perturbateurs endocriniens, qui a été estimé par des études indépendantes entre 157 milliards et 288 milliards d’euros par an (Université d’Utrecht, 2016) en Europe ? Fin du suspense le 15 juin. D’après nos informations, la proposition finale de critères d’identification des perturbateurs endocriniens sera présentée en réunion du collège des commissaires.

Par Stéphane Horel

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25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 10:54

le parisien de ce matin

Le bisphénol A toujours présent dans des contenants alimentaires

Selon un test de l'Association santé environnement France que nous révélons, des canettes et des boîtes de conserve contiennent encore de ce produit chimique interdit.

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EXCLUSIF

Les industriels trichent-ils encore avec le bisphénol A (BPA), ce produit chimique classé comme perturbateur endocrinien et interdit depuis 2013 dans tous les contenants alimentaires pour les bébés de 0 à 3 ans ? Pour les biberons en plastique, ils sont en tout cas réglos ! C'est ce que montre une enquête que nous dévoilons en exclusivité.

L'Association santé environnement France (Asef), qui regroupe des médecins et milite pour une alimentation non toxique, en a testé six de marques différentes.

« Dans aucun il n'a été trouvé ni de bisphénol A, ni l'un de ses substituts. Pour les jeunes parents, c'est une bonne nouvelle », explique le docteurPierre Souvet, son président. En revanche, pour les autres contenants alimentaires, comme les récipients métalliques, c'est une tout autre histoire. Depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A y est formellement interdit. En principe... Car en faisant analyser deux canettes vendues dans le commerce, l'une d'eau gazeuse, l'autre de soda (Pepsi), ainsi que deux boîtes de conserve de haricots blancs, l'une provenant du Portugal et l'autre estampillée Carrefour, l'association, dont l'enquête est diffusée ce soir à 21 heures sur France 4 dans l'émission « On n'est plus des pigeons », a fait une drôle de découverte.

Le bisphénol A est un plastifiant et antioxydant. Utilisé depuis cinquante ans dans de très nombreux produits (automobiles, DVD, machines à laver...) pour ses qualités de résistance à la chaleur et aux chocs, il a été banni des contenants alimentaires, car ce composant chimique a la particularité de « migrer » vers les aliments, qu'il finit par contaminer.

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